10 ans d’insolvabilité bancaire, épisode 2.
Cela fait maintenant plus de dix ans que la crise des subprimes a éclaté et si la plupart d’entre nous ont le sentiment que ce séisme financier est désormais une chose du passé, il n’en est rien. A vrai dire, il faut dire qu’à l’exception des quelques articles peu mis en valeur dans la presse économique ou dans les grands quotidiens, rien n’est véritablement révélé sur l’insolvabilité chronique du système bancaire international, qui était tout proche d’une grande catastrophe fin septembre. Et il faudra bien que ce sur ce sujet primordial, les populations sortent un jour de l’état de profonde cécité dans lesquelles elles se trouvent.
Mais que s’est-il exactement passé à partir du 17 septembre 2019 ? Le marché inter bancaire s’est subitement retrouvé en panique avec l’augmentation brutale des taux d’intérêt sur le marché du « repo » où les banques vont chercher leur financement à très court terme. Habituellement, les taux sont de l’ordre de 2%, mais ils se sont brutalement tendus pour atteindre 10%. Dans ces conditions, la Fed est intervenue en arrosant le marché de liquidités ; le 17 septembre dans la matinée, elle injectait 53 milliards de dollars. Le 20 septembre, le montant des injections atteignait 270 milliards !
Les analystes se veulent rassurants : les entreprises américaines ayant payé leurs impôts, les liquidités auraient manqué et comme le gouvernement fédéral a procédé à une adjudication, cela n’a rien arrangé. Mais c’est tout de même un peu court comme explication, d’autant que le 23 octobre, la Fed a de nouveau sorti le bazooka monétaire. Le Financial Times a ainsi expliqué que la Fed injecterait jusqu’à $120 milliards par jour pour les besoins de financement des banques. Ces informations étant corroborées par la Fed elle-même qui publie le détail de toutes ces opérations (disponible ici).
Tout ceci fait suite à la déclaration de la Fed qui avait annoncé, deux semaines plus tôt, qu’elle allait reprendre ses opérations de quantitative easing à hauteur de 60 milliards par mois jusqu’au deuxième trimestre de 2020.
Si de telles sommes sont à nouveau mobilisées (de telles opérations n’avaient plus cours depuis la crise des subprimes), c’est qu’il y a bien un énorme problème bancaire à l’heure actuelle. Le capitalisme est devenu complètement assisté et sans les aides massives des banques centrales qui durent depuis dix ans, le système financier aurait complètement implosé. En décembre 2018, la BCE avait annoncé la fin du quantitative easing, tout en annonçant des opérations de refinancements dites TLTRO (prêts accordés aux banques à des taux très bas, de l’ordre de 0.1%). Les banques n’étant visiblement pas suffisamment solides pour être sevrées de la sorte, la Fed a dû de nouveau prendre le relais avec des montants vertigineux.
S’il faut chercher une cause, elle n’est pas bien difficile à trouver. En compressant les salaires, le néolibéralisme a contraint les individus à remplacer le salaire par la dette. Lorsqu’ils font défaut sur leur dette, les banques se retrouvent avec un Everest d’actifs toxiques, comme en 2008. Et il faut donc que les banques centrales compensent ces pertes en injectant des centaines de milliards dans les circuits financiers. Sans parler de l’inversion de la courbe des taux qui a également plombé le bilan des banques.
Cette crise financière que personne ne voit est donc de même nature que celle des subprimes. Elle a fait des victimes en Europe, puisque le système bancaire italien était exsangue en 2016 (avec pour conséquence la nationalisation de la Monte Paschi), sans parler des besoins de financement de la Deutsche Bank qui est dans un état de zombification avancée, au point qu’elle a dû procéder à une sévère restructuration et au cantonnement d’actifs toxiques dans une bad bank.
Depuis septembre 2019, la fragilité bancaire refait donc surface. Pour autant, une panique financière comme celle de 2008 semble inenvisageable. Les banques étant totalement gavées de liquidités dès qu’un incident de crédit apparaît, le système ne peut s’effondrer. Et malgré les milliers de milliards qui ont été injectés dans le système bancaire au cours des dernières années, les populations ont le sentiment que la crise financière est derrière nous. En réalité, elle est toujours aussi vivace et le restera tant que la dette remplacera le salaire.
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