Crise économique : seule l’audace pourra nous sauver !

Il est bien naturel que nous nous préoccupions de la crise sanitaire qui a déjà fait plus de 20.000 morts en France, d’autant que les questions liées au déconfinement sont multiples. Ceci ne doit toutefois pas nous dispenser de réfléchir aux solutions qu’il faudra mettre en œuvre pour sortir de la crise économique. Une idée directrice s’impose : éviter l’austérité à tout prix !

Du point de vue économique, la crise du SARS-CoV-2 ne ressemble à aucune autre : multiples krachs boursiers, hausse vertigineuse du chômage dans la plupart des pays, effondrement industriel, récession historique, paralysie du commerce mondial… Pourtant, s’il y a un symbole qui restera associé à cette crise, ce sera sans doute l’effondrement du baril de pétrole « crude » américain. Le prix du baril est passé sous la barre de zéro dollar. Lundi 20 avril, le baril de WTI pour livraison en mai s’échangeait en matinée à $1.10, contre un prix de clôture de -37.63 dollars à New York, ce qui signifiait que l’on vous offrait $37.63 pour toute acquisition d’un baril de pétrole. Du jamais vu…

Les données économiques dont nous disposons actuellement laissent donc présager une dépression économique sévère, d’autant que de nombreux économistes prévoient un recul du PIB au deuxième trimestre qui pourrait atteindre 40% ! Si tel était le cas, cela signifierait que notre tissu économique serait anéanti.

Mais il est nécessaire d’aller encore plus loin dans la peinture de ce tableau économique apocalyptique. L’effondrement des cours du pétrole va en effet précipiter la faillite des producteurs de pétrole de schiste américains qui sont lourdement endettés auprès des banques US. Leur faillite va donc entraîner celle des banques qui vont devoir de nouveau être secourues par la Fed pour éviter un effondrement total du système financier. Il est également important de rappeler que les banques sont dans une situation de précarité extrême depuis 2008 et depuis cette date, les grandes banques centrales font marcher la planche à billets avec frénésie pour éviter le grand collapse. Le dernier épisode marquant de cette crise des banques datait de septembre 2019 ; la Fed avait en effet été contrainte de jouer une fois de plus les pompiers de service en injectant des centaines de milliards pour que les banques puissent continuer à se financer à court terme. Le constat est donc le suivant : le système bancaire, déjà fragilisé, va subir des pertes colossales en raison de la faillite des producteurs de schiste, ce qui entraînera un assèchement du crédit fatal aux entreprises, qui n’ont nullement besoin de cela puisqu’elles sont déjà lourdement affectées par la chute de la demande.

Lorsque le déconfinement pourra enfin être envisagé, il est illusoire de penser que les chômeurs à temps partiel vont tous retrouver leur emploi, d’autant qu’un retour à la normale est pour l’instant inenvisageable. Les faillites d’entreprises vont se multiplier, précarisant des millions de salariés qui vont se retrouver au chômage. Le corollaire de cette situation est que les banques vont essuyer de nouvelles pertes, accentuant encore l’assèchement du crédit, ce qui pénalisera donc les entreprises qui se retrouveront dans l’obligation de licencier ou de mettre la clé sous la porte… Le résultat sera sans doute une dépression économique d’une virulence jamais atteinte avec ce cycle déflationniste.

Dans ces conditions, à quoi faut-il s’attendre ? Les élites dirigeantes n’ont pas tardé à réciter leur catéchisme néolibéral. Pour Geoffroy Roux de Bézieux, c’est simple, il faudra travailler plus , c’est-à-dire remettre en cause la durée du temps de travail, les congés payés ou les jours fériés. Même si le président du Medef a dû faire machine arrière, comment ne pas penser à la stratégie du choc, chère à Naomi Klein. Cette crise étant un bouleversement unique, il est en effet assez aisé de conclure que les gouvernements vont profiter de l’état de choc dans lequel se trouve la population pour aller toujours plus loin dans les réformes néolibérales. Le gouverneur de la banque de France l’a d’ailleurs annoncé, il faudra rembourser la dette et continuer les réformes structurelles. On se demande tout de même ce qui peut bien se passer dans la tête de ces pseudo-dirigeants pour sortir des énormités pareilles. Car continuer comme si de rien n’était dans la voie providentielle du néolibéralisme, c’est se condamner à une austérité sans fin. Shylock aux commandes en quelque sorte et une livre de chair en moins pour tout le monde, car il est clair que nous ne pourrons jamais rembourser. Notons également qu’est sur la table un projet de bad bank en Europe ; des structures ad hoc seraient créées par les états, permettant aux banques de se délester de leurs actifs toxiques. Charge au contribuable de régler la note comme cela a été le cas en Irlande ou en France où l’état a purgé les actifs toxiques de la Société Générale en 2010. Signalons enfin que la même orthodoxie prévaut du côté de Bruno Le Maire, opposé à tout progrès social depuis des lustres et qui ne voit dans les nationalisations qu’un outil temporaire. Citons ce morceau de bravoure de notre ministre de l’économie, extrait d’un entretien donné début avril :

Mais je veux être très clair sur la nationalisation : il ne s’agit pas d’avoir tout d’un coup L’État qui se met à gérer toute l’économie, je n’ai jamais cru à l’économie administrée. Il s’agit simplement d’avoir l’État qui protège, pour une durée limitée, des entreprises en prenant une participation ou éventuellement en faisant une nationalisation temporaire, je dis bien temporaire parce que l’État, je n’y ai jamais cru, n’a pas vocation à diriger des entreprises du secteur commercial à la place des entrepreneurs.

Bref, pas la peine de chercher un quelconque salut auprès de ces penseurs de pacotille. Leur impéritie nous a déjà conduit à la catastrophe, elle pourra seulement produire de nouvelles catastrophes à l’avenir.

Alors, que faire ? S’il est relativement difficile d’être péremptoire en la matière, une chose est certaine : il ne faut en aucun cas des mesures d’austérité ! Nous avons vu, au cours de l’histoire récente, ce que cela avait donné en Grèce dans le sillage de la crise des subprimes (qui s’était transformée en crise de la dette). La même politique aveugle consistant à respecter les dogmes néolibéraux ne fera donc qu’amplifier la dépression que l’on voit poindre. Au diable l’orthodoxie, il est temps d’être audacieux ! Si un plan de relance massif est une impérieuse nécessité, il faut également réfléchir aux moyens d’alléger le fardeau de la dette pour investir et relancer l’économie. Cela peut prendre plusieurs formes, mais un défaut partiel n’est pas à exclure ; cela fait plusieurs décennies que les Français paient les intérêts d’une dette inique, cela n’a que trop duré.

La dette peut également être avalée en relançant l’inflation de façon raisonnée. Beaucoup d’économistes sont en effet en faveur d’outils non conventionnels comme l’helicopter money. Cela consisterait à créer de l’argent ex nihilo et à en faire bénéficier les citoyens. 1000 à 2000€ pourraient ainsi être octroyés à chaque adulte et l’argent à disposition pourrait relancer favorablement l’économie. En outre, pas de risque d’hyper inflation dans la mesure où nous sommes dans la logique déflationniste que j’ai décrite plus haut.

Mais ce ne sont pas les seuls outils. Les nationalisations de secteurs stratégiques ne sont pas taboues et devront être imposées, n’en déplaise à Bruno Le Maire et à tous ces calamiteux cagots néolibéraux. Une lutte sans merci contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux devra également être menée. Dans la même veine, une taxation des hauts revenus, pouvant aller jusqu’à 100% à partir d’un certain seuil, devra être imposée. Pour rappel, ce fut une des mesures imposées par Roosevelt au moment du New Deal (le taux d’imposition atteignait alors 90% aux USA). Tout ceci ne se fera pas sans une stricte régulation des marchés financiers, cela va sans dire. De nombreuses pistes de réflexions, apportées par des économistes hétérodoxes et des partis politiques soucieux de l’humain ont déjà été apportées pour réguler la finance. Il est désormais vital d’appliquer leurs recommandations.

La fin du libéralisme sauvage, qui a conduit à la désindustrialisation massive de la France et au drame sanitaire actuel, sonne également comme une évidence. Bien d’autres décisions devront être prises et une refondation du contrat social devra également être entreprise. Mais tout cela ne pourra être possible sans un contrôle absolu de la banque centrale. Nous observons déjà des tensions entre l’Europe du sud et celle du nord, notamment en ce qui concerne la mutualisation de la dette avec les coronabonds. En raison de la culture et des croyance allemandes et plus généralement, des pays de tradition protestante, il semble écrit que des solutions non conventionnelles seront refusées en bloc par les tenants de l’ordolibéralisme. Une sortie de l’euro est donc la priorité absolue. Sans souveraineté dans le domaine de la création monétaire, il ne pourra y avoir de sortie de crise véritable. Il va sans dire que l’Europe des traités, qui étrangle les peuples, n’a plus lieu d’être. Cela ne signifie nullement que l’on renoncera à l’idée d’Europe. Il n’est pas question de renoncer à des projets humanistes, industriels ou à l’entraide entre les pays, il s’agit simplement, en retrouvant notre souveraineté nationale, de mettre un terme à ce capitalisme néolibéral qui détruit des vies, qui asservit sans le dire hommes, femmes et enfants, et qui rend notre planète inhabitable.

 

 

 

3 réflexions sur « Crise économique : seule l’audace pourra nous sauver ! »

    1. Analyse hyperfine, à la fois pertinente par sa lucidité et impertinente car elle pointe du doigt les failles. Et propose des pistes de sortie de miasme ! Quant au style, il met en avant un esprit aigu, sensible. Vous utilisez votre haut potentiel à des fins humanistes. Si nos pensées façonnent le Monde de demain à leur manière, il va falloir agir pour mettre en place d’autres solutions que celles proposées du fait de la vision étriquée du monde que les politiques ont en général….

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